Suite à une nouvelle polémique sur la dette, le Bureau d’information gouvernementale a sorti une note pour donner des explications chiffrées.
La question de la dette du Sénégal revient très souvent. Et malgré les nombreuses sorties, la polémique persiste. Le gouvernement a voulu changer de stratégie à travers le Bureau d’information gouvernementale. En lisant la note, on se demande dans un premier temps, s’il ne s’agit pas d’un cours d’initiation à l’économie au même au budget, pour être plus spécifique. Mais en vérité, le régime change de pédagogie pour mieux convaincre sur la dette.
D’abord, le Bos essaie de faire comprendre la différence entre l’encours de la dette et le service de la dette. « L’encours de la dette représente ce que le Sénégal a décaissé et qu’il n’a pas encore remboursé à la fin des mois de juin et décembre de l’année ». Quant au service de la dette, il «représente le montant payé chaque année pour le remboursement de celle-ci ».
Ainsi donc, l’encours qui est la dette totale du Sénégal était de 11 326 milliards FCFA en juin dernier et projeté à 11 447,2 milliards FCFA à la fin de l’année 2022, soit 67,9% du PIB. Autrement dit, « inférieur à la norme communautaire qui est de 70% du PIB ».
150 milliards laissés par Diouf
Et pour justifier ce montant, le gouvernement rappelle que dans cette enveloppe, il y a des prêts contractés par Abdou Diouf avant son départ du pouvoir en 2000. Ainsi, 150 milliards laissés par les socialistes restent à être payés. C’est le cas des barrages de Diama et de Manantali dont le prêt obtenu auprès du Fonds koweïtien en 1982 est à rembourser jusqu’en 2026. « C’est également le cas pour la recapitalisation de la Senelec (en partenariat avec l’AFD) en 2008, dont la dette sera payée jusqu’en 2033 », ajoute le document.
S’agissant du service de la dette, « il s’élève à 1693,9 milliards FCFA. Ce qui n’a donc rien à voir avec les montants avancés par certains parlementaires ». En langage facile, cela veut dire que le Sénégal a déboursé près de 1700 milliards en 2022 pour payer ses créanciers. Ce montant inclut le capital et les intérêts de la dette.
Malgré ce déficit élevé de 67,9% et un service assez pesant de 1700 milliards environ, le gouvernement cherche à convaincre qu’il n’y a ni de la fumée encore moins du feu sur les finances publiques. En somme, Dakar a une dette viable, dit le Bos, appuyant son argumentaire sur deux indicateurs.
« La valeur actuelle nette de la dette extérieure, rapportée à la richesse nationale : le taux prévu est de 55% alors que le Sénégal, avec 49,7%, est en dessous du seuil. La valeur actuelle nette de la dette extérieure, rapportée aux exportations des biens et services doit être à 240%. Le Sénégal est à 212,98% », avance la note. Le même argumentaire est développé avec la liquidation pour toujours montrer que le Sénégal est en deçà des seuils communautaires et internationaux.
Comparaison entre les régimes
Et si vous n’êtes pas convaincus par ces arguments techniques, en voilà une lecture politique pour ne pas dire politicienne. Il s’agit maintenant d’oublier la continuité de l’Etat (argument avancé supra) et de comparer les régimes. « Depuis l’avènement du Président Macky Sall au pouvoir en 2012, le Sénégal a drastiquement baissé son niveau d’endettement. La hausse annuelle de l’encours a été de 21,8% en moyenne, durant la période 2007-2011, alors qu’elle est de 14,1% sur la décennie 2012-2022 ».
Selon le document, l’encours de la dette qui était de 2416,3 milliards de FCFA, équivalant à 76,3% du PIB en fin 1999 est tombé à 20,4% à fin 2006 avec les annulations de la dette (plus de 1000 milliards) au profit des pays pauvres avant de s’envoler à nouveau en 2007 pour s’établir à 39,9% en 2011. Ce qui veut dire que Wade a eu recours à un endettement inconsidéré. Peut-être qu’il est bon aussi de rappeler qu’en 2007, le Sénégal avait comme Premier ministre un certain Macky Sall.
Autre argument du Bos, l’utilité de la dette. Ici, presque toutes les réalisations du président Macky Sall sont énumérées pour justifier l’endettement : 2 526 km de routes, 189 km d’autoroutes, le Ter, le Brt à venir, 6 673 km de pistes pour désenclaver les zones de productions, 1 689 mégawatts en 2021 avec la Senelec…Les alertes du Fmi
Seulement, le problème de la dette n’est pas soulevé uniquement par des députés, fussent-ils de l’opposition. Le Fmi également s’est exprimé sur la question pour alerter, à l’issue de sa dernière mission au Sénégal (du 4 au 15 novembre).
« Compte tenu des marges de manœuvre budgétaires limitées, des efforts graduels d’assainissement budgétaire sont nécessaires à moyen terme pour préserver la viabilité de la dette. Ces efforts devraient débuter en 2023 par une plus grande mobilisation de recettes fiscales en s’appuyant sur la bonne performance de cette année et une utilisation limitée des réserves budgétaires, ce qui permettrait au gouvernement de contenir le déficit budgétaire autour de 5% du PIB », a déclaré le chef de la mission Edward Gemayel.
En somme, même si le Sénégal veut rassurer, ils sont nombreux à être préoccupés par le niveau de la dette, y compris les partenaires privilégiés. Il s’y ajoute que le fait de trouver des prêteurs n’est pas forcément synonyme de qualité de signature. Comme le disait le fiscaliste Mamadou Ngom, lors d’une session de formation avec la Cosydep : « Même un Etat officiellement en faillite trouvera toujours un bailleur, car tôt ou tard, il finira par rembourser ».